28/06/2009, le jour où je suis devenu un guerrier, vautrons nous dans l’autosatisfaction !

 
 

4h50...Driiiiiiiinnngggggg !! Debout foutre ! Programme de la journée : un Ironman. Après des mois de prépa on y est enfin. Descente en bas de l’hôtel, dégustation ou plutôt gobage du gatosport. C’est dingue on arrive presque à se persuader que c’est bon ce truc ! A la table à côté deux triathlètes anglais mangent des croissants et du pain blanc. Rigolo comme menu avant d’attaquer une journée comme celle là.


5h30 je quitte l’hôtel direction le parc à vélo pour une ultime vérif. Gonflage des pneus et dépose des bidons sur Titine qui est sagement rangée parmis toutes ces machines de guerre. Impressionnant la débauche  de matériel ici, très très impressionnant même... Bon heureusement il y a quand même quelques vélos “normaux”, c’est à dire sans roue carbone de 10cm de haut et avec des cadres pas trop profilés. Il y a même des montures assez farfelues, plutôt customisées. Bon des comme ça il y en a pas beaucoup.


6h00 : ça s’affaire de partout, le speaker chauffe les gens, il y a des gros caissons de basses. je me change et quitte le parc pour aller rejoindre la plage. Enfin si on peut appeler ça une plage ; ce sont des galets et le départ a lieu à côté d’une énorme sortie d’égouts dans laquelle  nagent ce matin deux canards. On est bien loin de Marie Galante et des séances de natation au pipiri chantant.


6h15 c’est parti pour un mini échauffement. Il y a vraiment vraiment du monde. Je sors pour me placer sur la ligne. C’est à dire le plus derrière possible et sur le côté le plus proche de la sortie d’égouts pour profiter du courant favorable qu’elle génère hihi


Le speaker n’arrête pas de chauffer tout le monde. A une minute du coup de canon il stoppe sa musique de dégénéré et demande aux concurrents de s’encourager. Tout le monde s’applaudit. Mon cardio capte le coeur du voisin qui bat à 120 : je suis pas le seul à être impressionné. C’est rigolo cette minute, on sent que tout le monde est content d’être là.


6h30 PANNNN ! C’est parti pour 3800m de natation. On est 2800 , très vite je comprends que ça sert à rien de savoir nager puisqu’on ne peut pas nager ! On a l’impression d’être dans une grosse machine à laver, je n’arrive même pas à voir les bouées, je suis dans la masse en essayant de ne pas prendre trop de pieds dans la tronche. A un moment je croise un mec qui a perdu son bonnet de bain, puis un autre qui a perdu ses lunettes, puis un autre qui nage le dos crawlé en allant dans une trajectoire perpendiculaire à celle de tout le monde. Je réalise ensuite  que je suis en train de passer à 100m des bouées à contourner tellement il y a du monde, et le pire c’est que je ne suis pas la plus à l’extérieur. Au deux tiers du parcours il y a une sortie à l’australienne (gros embouteillage, on rigole avec mon voisin) puis on retourne dans l’eau pour 1400m. Un coup d’oeil sur le chrono et un savant calcul me prévoit de sortir en 1h15, un exploit ! C’est parti pour le second tour. Cette fois ci on est plus espacés et on peut à peu près nager. Je sors effectivement en 1h15 en ayant bien rigolé, toujours nagé en trois temps, bien détendu et franchement heureux d’être là.


Transition 1.

ça y est on sort de l’eau. L’ironman est vraiment un show à l’américaine, il y a du monde partout, la musique à fond, les pom pom girls qui te font une haie d’honneur quand tu sors de l’eau. J’attrape mon sac de transition puis m’engouffre dans la tente. Là aussi gras de monde, et de tout les styles, des mecs pressés qui sont déjà en tenue sous la combine de nage, qui sprintent sur l’air de transition et d’autres qui se laissent à poil tartiner de crême solaire par des bénévoles. J’ai beau avoir minutieusement préparé mon sac, c’est le bordel dès que je commence à me changer et du coup je décide de prendre mon temps. Finalement dix minutes de transition et j’enfourche enfin Titine qui m’attend sagement


Vélo.

C’est parti pour 180Km dans l’arrière pays niçois dont.... 2 cols arf arf ! C’est marrant après avoir passé plus d’une heure allongé à nager, le coeur est tellement bien irrigué qu’il a du mal à monter en puls.

Je file tranquillement entre 36 et 38Km/h sur la promenade des anglais mais quelque chose me travaille : je me fais sans cesse doubler par des paquets de mecs qui s’appellent tous Timo, Ralf, Normann, Torbjorn, Herbert, Gérârd.... Tous montés sur des vélos de chrono pas possibles, avec des casques profilés de contre la montre, des roues pleines, lenticulaires.... Ils roulent au minimum à 45 à l’heure. Me vint alors la première réflexion métaphysique de la journée : soit je suis nul  soit les teutons sont vraiment des gros rouleurs. ça me travaille...

Assez curieusement on n’arrête pas de croiser des gens qui réparent leur roue crevée sur le bord de la route.

Après 20 bornes de plat, environ 200 bjorn m’ont doublé, arrive la première difficulté de la journée : un jolie mur à 10-12% et là aaaaarrfff je double enfin des gens, et curieusement pas des filles, mais des Ralf, Tibo et Normann, tous plantés avec leur vélo de contre la montre. Il y en a même un qui monte à pieds en poussant sa monture. Je suis rassuré.

Ensuite on s’engage dans les montagne et c’est joli. Très joli même. La montagne c’est curieusement l’endroit que la plupart des gens choisissent pour balancer leurs emballages de powerbar alors qu’il y a des espaces prévus un peu partout. Sont étranges les gens.


Vient ensuite une splendide erreur. Au premier ravitaillement je balance mes trois bidons perso à moitié vides (j’adore m’amuser à tous les goûter au lieu de les boire un à un, c’est débile mais je sais pas pourquoi je fais ça) contre trois pleins qu’une gentille volontaire me tend. Tiens étrange ça n’a pas le même goût que mes bidons qui étaient censés contenir la même boisson. Tiens étrange on dirait que ça ne descend pas. Passons je me dis que je dois déjà commencer à délirer. Sachant qu’on a un gros col à franchir et qu’il va faire très chaud je continue à boire comme un goret, c’est à dire sur une base de 1,5 litre par heure de vélo. Assez rapidement je ressens une grosse barre au niveau de l’estomac puis de tout le ventre, genre un peu comme si je n’avais pas libéré la divine pression depuis plus d’une semaine. La montée continue dont près de 20 Km non stop pour parvenir au sommet du col de l’Ecre (magnifique), j’ai l’impression que mon estomac monte lui aussi mais je me dis que ce n’est pas plus mal car ça me force à ne ma me griller et je me trouve pour le moment très en dessous des fréquences cardio que Guy “coach” m’a autorisées. C’est rigolo parfois on traverse des petits villages et les gens s’écartent pour nous laisser passer en criant nos noms et avec des cloches, ça fait très tour de France. Bon je ne fais pas mon malin j’ai quand même super mal au ventre. On n’a pas fait 80 bornes et je me dis que je vais vraiment lutter si je suis dans cet état tout du long. Heureusement je fais une bonne partie de la montée avec James, un américain pétomane (je le jalouse terriblement). Le type il n’arrête pas et à chaque fois il se congratule “fabulous this one “ “yeaaaa listen, respect man” “ouaaaaaaaaa fuckkk that “Au sommet du col on récupère les ravitos persos. Cool, je vais pouvoir finir mon gatosport entamé ce matin et  avec un morceau de banane ça va envoyer grave comme goûter. Cool, sauf qu’après deux morceaux je ressens des fourmis dans les oreilles (ça me le fait toujours avant de gerber en vélo je sais pas pourquoi c’est rigolo) et c’est parti ! Splendide, en pleine descente, à plus de 40 à l’heure, dans un paysage somptueux (c’est vachement beau la montagne) hihi, un beau geiser de gatosport+power bar+bananes+liquide vient décorer mon vélo et accessoirement mes fringues. Deuxième réflexion métaphysique de la journée : le gatosport à manger c’est pas bon mais à vomir c’est pire et par le nez ça pique.

S’en suit la prise d’une décision historique au ravitaillement suivant : je jette tous mes bidons contenant leur satanée  boisson énergétique et je passe définitivement au coca+eau+gel.


Arrive le second col de la journée, beaucoup plus soft que le premier puis une descente à tombeau ouvert jusqu’à Nice. Les Tibo reprennent de la vigueur dans les descentes et certains doivent rouler à plus de 70. Moi je ne dépasse pas 55 (j’aime pas bien quand ça descend) et je roule une bonne partie de la descente à côté de deux filles. On termine par 20 bornes de plat et je me sens mieux avec la sensation de pouvoir enfin rouler. Je pose le vélo après 6h30, un peu déçu de mon temps mais finalement content de ne pas m’être grillé grâce à mes problèmes de ventre.


Transition 2.

Là encore je prends bien le temps de me changer, je me retartine de crême solaire. Ce coup là dans la tente de transition c’est déjà beaucoup plus calme, ça la ramène beaucoup moins et il y en a qui ont des têtes à ne pas faire les malins.


Course à pieds.


Presque huit heures se sont écoulées depuis le coup de canon et c’est parti pour un petit marathon. Bon déjà pour commencer je décide que ce n’est pas un marathon, mais 8 fois 5,25Km sur la promenade des anglais, beaucoup plus facile moralement. Ensuite je me dis que je n’ai plus mal au ventre, qu’il fait 30° sans ombre et que je m’entraîne dans ces conditions toute l’année. Je n’ai pas peur je sais que je vais terminer. Motivation supplémentaire : j’aperçois mon fanclub dès le début du premier tour (l’émotion d’entendre ma fille hurler “papa papa papa !!!!”). Je suis content d’être là et je cours bien, je remonte tout le temps ou presque et les rares à me doubler sont ceux qui ont déjà plusieurs chouchous au poignet (on nous en donne un à chaque tour). Je me sens bien, très bien même. Ma barre au ventre n’est qu’un lointain souvenir, et maintenant mon ventre se met à faire des bruits étranges : pcccccccchhhhhhhhtttttttttpppppp patapataaaampataaaa gloumffff gloummmmffff. Tiens, rigolo... Après quelques kilomètres je me mets à imiter James l’américain que j’avais tant jalousé lors de la montée du col de l’Ecre. Ouaaaaaaaaaa c’est quand même drôlement plus fun que d’avoir mal au ventre et ça donne l’impression d’accélérer à chaque fois.

Après le premier demi tour, lors du ravitaillement je me hasarde auprès d’une volontaire ;“euuuu excusez moi mademoiselle, est-ce qu’il y a des toilettes prévues sur le marathon ?”-Non je ne crois pas.

Mince alors, zut ! Mentalement c’est très très dure ce moment là. Dure... Reprenant mon rythme éffrené (j’ai l’impression de voler alors que je me traîne à 12Km/H) je commence à étudier toutes les possibilités : fertiliser un palmier, un bac à fleur, rentrer dans un bar, derrière une voiture. Foutre que faire je suis en terrain hostile là  ! Finalement au ravitaillement suivant je repose la question une autre gentille demoiselle qui me tend un vers de coca (je dois maintenant être à 5L de coca depuis ce matin). “Oui Monsieur, les toilettes sont sur le côté en retrait, il y en a à chaque ravitaillement” Aaaaaaaaaaaaaaaa j’y cours aussitôt, affuble la gamine qui s’apprêtait à me prendre la place d’un “dégage pisseuse” puis j’entre ! AAaaaaaaaaaaaaaa oooooooooooooo pfffffffffff patapataaaaaaaaaaaa c’est rigolo je suis pas le seul à avoir une gastro il y en a déjà presque jusqu’au plafond ! C’est rigolo dis donc ils ont mis des cabines de chiottes bleu foncées et ça absorbe drôlement bien la chaleur cette couleur là dis donc aaaaaaarrrrffffffff..... Je m’arrêterais en tout cinq fois lors de ce marathon et à chaque fois je repense à ce bouquin de Primo Levi où il raconte que quand il était dans son camp de concentration son truc favori c’était d’aller nettoyer les latrines car la pisse et le reste ça lui tenait bien chaud.


Arrive rapidement le dernier demi tour. J’ai couru régulièrement, bien en dessous des fréquences que j’avais le droit d’atteindre, et je dois boucler en 11h58 si je continue à ce rythme. En voyant un peu partout des mecs vomir ou terminer en civière sous perfusion, je me dis que c’est débile de me presser et que je ferais mieux d’en profiter alors je ralentis. Je prends le temps de savourer ces moments au maximum, de remercier chaque bénévole au ravitaillement, chaque personne qui m’encourage. Je repense à tout le chemin parcouru pour être là aujourd’hui, à tous les sacrifices, à tout ce que j’ai fait subir à ma femme et mes enfants, aux soirs où en rentrant du boulot ma fille me disait “non papa ne va pas courir reste avec nous”. Depuis ce  matin toutes les fois où j’étais vraiment mal j’ai pensé à l’instant où je passerai la finishline avec elle et à chaque fois ça me faisait chialer. Cette fois on y est, Sariaka est là avec les enfants et me tend Noa dans les bras, je suis en larmes, on fait les derniers mètres tous les deux : ça y est je suis un Ironman.

Non en fait j’ai juste voulu écrire à chaud le ressenti de cette journée bien remplie. Ce sera rigolo de lire ça dans quelques années.